DE LA VILLE DE PARIS.
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Au dessoubz'1' esloict escript: La France riche et valureuse,
Est MERE SI FERTILLE EN BIENS,
Qu'elle peult de mammellb heureuse Nourrir l'estrangier et les siens*2'.
Par lesquelles figures et inscriptions estant rap­portée la memoire de l'antique alliance des Françoys et Germains, pour faire mention de celle par qui ceste alliance estrenouvellée, et a poursuivy et solli­cité ung si heureux mariage pour nostre Roy et aug­mentation de son Royaulme, fut mis, à la Fontaine du Ponceau, une figure vestue d'habitz royaulx, re­presentant au naturel la Royne mere du Roy, tenant en ses mains une couronne faicte de fleurs de lis qu'elle monstroit voulloir poser sur le chef de lad. Royne Elizabet, comme celle sur laquelle elle enten­doit se demettre, avec le temps, des grandes charges et insupportables affaires quelle a eu et a, à la con­servation de cest estat.
Au dessoubz estoict ung tableau, dans lequel ces vers estoient escriptz en lettres d'or sur champ d'azur :
accipe et ll.ïc manuum qu* sint m0mmenta mearum, Regina, et long u m socrus testantur amorem.
A ses piedz, estoient les trois Graces : Thalia, Aglia,Ephrosina, faisant girlandes et chappeaulx de triumphe de toutes sortes de fleurs, en signe de joye et liesse publicque qui se doibt ensuivre du renouvellement de l'alliance de ses deux belliqueuses nations(3>.
Passant plusoullre etvenantàla porteauPeinlre, estoit ung grand arc Iriumphal d'ordre Corinthien, à deulx faces, quasi de semblable architecture que celuy qui fut faict pour l'entrée du Roy, excepté qu'il fut enrichy davantaige et la frise, corniche el architrave faictz d'une autre mode, moulure plus ex­quise et mieulx suivant les antiques; laquelle frize fut enrichie d'ung feuillage et fleurons d'or de relief sur ung fons blanc, qui embellissoit et decoroict grandement cest ouvrage. Mesmes les bazes et chap-pitteaulx des colonnes furent dorez de fin or, les
niches feintes de marbre noir et toutes les figures enrichies et dorées en plusieurs endroictz, en sorte qu'il ne se recognoissoit riens, de ce qui avoyt servy à lad. entrée du Roy.
Sur le hault duquel, pour demonstration et preuve de l'amitié inviolable de ces deux nations, estoient deux grands colosses faictz d'argent, chacun de dix piedz de hault, portans longs cheveulx ct par dessus force jons et rozeaulx, en forme de cou­ronnes, et ayans longues barbes chenues, pour representer, l'ung le fleuve du Rhone, lequel pas­sant par le lac de Geneve, sans se mesler toutesfois parmy, vient descendre à Lyon, et traversant le païs de Provence, tirant vers le midy, se rend à Aigue-morte, petite ville à costé de Marseille, et de là par ung seul conduict entre en la mer Méditerranée; l'autre le fleuve du Danube, qui va vers Orient, tra­versant tout le pays d'Allemaigne, jusques en Con­stantinople, et passant par une petite isle nommée Thomos (en la quelle Ovide fut banny), se va rendre par sept conduictz en la mer Exine.
Ces deux fleuves comme principaulx, l'ung de France et l'autre d'Allemaigne, representoient l'une et l'autre province, et par ung accord mutuel sup­portaient ung grand Globe terrestre, representant le Monde, que ces deux nations doibvent assubjectir à eulx, et d'aultant plus que non seullement ces deux fleuves, mais encores le Rhin qui va vers Occident, et, passant parle Pays Bas de Flandres, se rend par deux conduictz en la mer Occeane,et le Thesin qui Va vers le Septentrion, passant par le païs d'Italie, se rend en la mer Adriatique, viennent de la forest Her-sinia, située entre les Rhetez et Grisons, justement entre le pays de France et d'Allemaigne; lesquelz quatre fleuves, venantz d'ung mesme lieu proche el tenant à l'une et l'autre nation, et se separantz de telle sorte qu'ilz sc vont rendre aux quatre coings du monde, contre le cours ordinaire des autres, les­quelz viennent tous d'Orient et se vont rendre cn Occident, est ung signe et presaige certain que ces deux peuples assubjectironl une fois tout le reste du monde à eulx.
(l) Var. ..au-dessus» (A).
(s) Simon Bouquet a omis de nous faire savoir si ce quatrain est de lui ou de Ronsard. A Ia suite, dans le texte imprimé, se trouve une nouvelle gravure, représentant la décoration de la porte Saint-Denis. L'aspect général est le même que pour l'entrée du Roi; les détails seuls sont légèrement modifiés.
(3' ti Dont le portrait est icy rapporté», ajoute l'imprimé. En effet on voit à cet endroit la fontaine du Ponceau, dont la décoralioL offre les différences indiquées plus haut. La gravure en a été reproduite dans la Revue archéologique, t. V, 1848 (deuxième partie), planche CIV, entre les pages 572 et 573.